Les PME et TPE n’ont pas suffisamment accès à la DATA

Par
Thomas Deillon

OpenSource est un programme de diffusion de contenus institutionnels du groupe ESH Médias. Celui-ci a pour but de donner la parole, de manière récurrente, à des acteurs internes clés spécialistes dans les domaines d’expertise du groupe.

La Suisse occupe, dans le domaine de l’intelligence artificielle et de la DATA, une place particulière. Le pays parle encore peu d’IA mais se situe malgré tout dans les meilleures places des classements par pays. Explications de ce paradoxe par Thomas Deillon, CIO du groupe ESH Médias.

Que disent les études comparatives sur la place de la Suisse dans le monde de la DATA ?

Tous les rapports que j’ai pu consulter placent la Suisse bien plus haut que je ne l’aurais imaginé ! Le pays se trouve dans le Top 10 des indices d’intelligence artificielle (1).

Pour quelles raisons avons-nous tendance à mettre la Suisse dans le bas de ces classements ?

Les raisons sont multiples. D’abord, le gouvernement suisse ne s’est pas réellement attaqué à ces sujets et n’investit que très peu dans ce secteur. Au quotidien, en Suisse, les données ne sont pas un sujet qui marque. Seules les très grandes entreprises investissent dans les données, alors que le tissu économique suisse est principalement composé… de petites entreprises !

Dans un récent classement, on peut lire que le gouvernement suisse ne se situe qu’au 58ème rang des gouvernements qui font la promotion de l’intelligence artificielle. Si vous prenez le Canada par exemple, pays de ma dernière expérience professionnelle, son gouvernement se situe à la première place.

Vous connaissez parfaitement le marché canadien. Que peut apprendre la Suisse du Canada ?

La DATA est omniprésente au Canada. Le pays a investi très tôt dans des programmes éducatifs. Il valorise particulièrement ces métiers et finance, grâce à de nombreux fonds, des projets d’intelligence artificielle. Le gouvernement canadien se mobilise et fait activement sa promotion.

Qui travaille sur ces domaines en Suisse ?

Nous voyons que le pays progresse, principalement grâce à ses talents universitaires. L’EPFZ mène la danse même si nos grandes entreprises phares ne sont pas en reste. Mais ces dernières sont majoritairement B2B et donc peu visibles.

La Suisse a déjà pris conscience que la gestion des données était un sujet très important, un sujet dont il fallait se saisir sans tarder. Désormais, le pays s’interroge sur ces données et réfléchit au volet éthique. Dans ce domaine, nous pouvons devenir pionnier.

Quels sont les prochains défis qui attendent la Suisse sur le plan de la DATA ?

La DATA est déjà présente dans des mondes spécifiques, universitaires et pharma notamment. Mais les secteurs concernés ne représentent pas, loin de là, les différents milieux économiques qui font la Suisse. Le pays est un petit pays, au tissu économique particulier qui compte de nombreuses entreprises. Les PME et TPE n’ont pas suffisamment accès à la DATA dont elles pourraient pourtant bénéficier.

Aujourd’hui, les données disponibles sont encore des données trop globales, des données qui viennent de l’extérieur (Google, Facebook, …). La Suisse doit produire ses propres données et surtout se les approprier. Elle doit les faire siennes.

Nous devons faire avancer l’innovation en aidant les entreprises à accéder à des données utiles. Ces dernières devraient être produites puis redistribuées, y compris auprès des plus petits acteurs économiques. Régionaliser la DATA est selon moi important. En générant toujours plus de données et en redistribuant l’intelligence collective, l’ensemble des entreprises suisses progresserait. Le gain serait général. D’un côté, on disposerait de plus de DATA. De l’autre, les entreprises pourraient toujours mieux les exploiter sur le plan éthique.

Ainsi, les sociétés amélioreraient leurs connaissances, de leurs clients comme du marché dans lequel elles évoluent, et pourraient alors proposer des services locaux plus efficients.

Source

Thomas Deillon

Chief Innovation Officer (CIO) du groupe ESH Médias

Thomas Deillon a par le passé accompagné plusieurs grands groupes romands à transitionner vers la téléphonie et télévision sur Internet dans les années 2000. Il a ensuite rejoint SITA, leader mondial des télécommunications pour le domaine aérien, en tant que responsable innovation, puis directeur de cabinet du PDG, avant de prendre la responsabilité de la création d’une entité de développement de produits logiciels à Montréal dans l’analyse prédictive (Smart Airports).